Entretien avec Julija Plameiro historienne de l’art / conservatrice /critique d’art /commissaire d’exposition
Christine Barbe est une artiste française dont le parcours créatif a été enrichi par ses expériences dans deux centres artistiques majeurs : New York et Paris. À chaque rencontre, elle ne cesse de m’étonner par son dynamisme et sa vivacité. Avec un regard toujours ardent, elle partage avec curiosité et générosité les connaissances qu’elle a accumulées. Passionnée et travailleuse, elle continue d’expérimenter sans cesse dans ses créations artistiques, tout en explorant des thèmes essentiels tels que l’humanité, la condition féminine et la nature. Christine Barbe excelle dans la représentation d’une dialectique des contraires, mettant en lumière les incohérences, contradictions, paradoxes et limites du monde. C’est cette richesse de contrastes qui définit son langage artistique unique.
Son œuvre, enrichie par de nombreux voyages et une vaste expérience des pratiques plastiques, bénéficie d’une reconnaissance internationale grâce à de nombreuses expositions en Europe et aux États-Unis. De la gravure au dessin, de la peinture à la photographie, et jusqu’à la vidéo, Christine Barbe explore un large éventail de techniques, nourrissant son travail d’une riche diversité de médiums et d’expériences. Son travail a été largement exposé à l’international, avec des présentations notables dans des institutions prestigieuses telles que le Musée d’Art Moderne de Grenoble, le Musée du Couvent des Cordeliers, la Fondation Coprim à Paris, le Musée d’Art Moderne de Tokyo au Japon, le San José Institute of Contemporary Art aux États-Unis, la Fondation Deutsch à Lausanne en Suisse, le Palais de Raïssouni à Asilah au Maroc, et le Musée d’Art Contemporain de Ningbo en Chine. Ses œuvres figurent également dans de nombreuses collections privées aux États-Unis, au Japon et en Europe, ainsi que dans divers musées, fondations d’art et arthothèques.
Peux-tu te présenter brièvement et nous parler de ton parcours artistique en quelques mots ?
Je suis née en France, à Grenoble, une ville entourée de montagnes. J’ai étudié aux Beaux-Arts de Grenoble, mais j’ai vite trouvé que c’était trop étroit d’esprit. Je suis donc partie à Paris, où j’ai étudié à l’Université des Arts Plastiques Saint-Charles de Paris et à l’Institut d’Art et Archéologie de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. En parallèle, j’ai suivi une formation de graveur et j’ai également été imprimeur taille-douce dans des ateliers parisiens. Tout en poursuivant ces études et formations, j’exposais déjà régulièrement mon travail.
Peux-tu nous parler du début de ton parcours créatif ? Quelles ont été tes premières inspirations et influences artistiques ? Y a-t-il des personnes en particulier, comme des mentors, des artistes ou des proches, qui t’ont inspirée sur le plan créatif et aidée à façonner ton style ?
Le début de mon parcours créatif, c’est mon inscription en cachette de mes parents aux Beaux-Arts de Grenoble. Devant le fait accompli, mes parents se sont résignés… puis m’ont beaucoup soutenue ! Mais j’ai vite trouvé l’enseignement de cette école trop étroit d’esprit, trop classique, trop dirigiste.
Je suis donc partie à Paris et j’ai commencé des études universitaires en Arts plastiques à l’Université des Saint-Charles de Paris, ainsi qu’en Cinéma à l’Institut d’Art et d’Archéologie de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. En parallèle, j’ai suivi une formation de graveur et j’ai travaillé comme graveur et imprimeur en taille-douce dans divers ateliers professionnels à Paris pour payer mes études. J’ai aussi étudié la gravure dans des ateliers de tendances diverses, comme l’Atelier Goetz pour la gravure au carborundum et l’atelier américain de S.W. Hayter.
J’ai entamé une maîtrise en Arts plastiques sur le thème « La gravure, art majeur au Canada », sans toutefois l’achever. Tout en poursuivant mes études, j’exposais régulièrement mon travail. J’ai commencé à exposer dans des Maisons des Jeunes et de la Culture (MJC), montrant des dessins à la mine de plomb et au stylo Bic. J’aimais beaucoup Toulouse-Lautrec pour sa capacité à pratiquer de nombreuses techniques, comme le crayon, la peinture sur toile, la peinture à l’essence sur carton, la lithographie, ainsi que pour son sens du cadrage.
J’ai été inspirée par Rodin ; je faisais poser des couples d’amis sur le thème de sa sculpture « Le Baiser », et je développais des séries de gravures ressemblant à des arrêts sur images ou à des planches-contact, comme dans un film où la caméra tournerait autour du couple en train de s’embrasser. Je travaillais également sur de grands pastels secs sur le thème du baiser, des corps enlacés, de l’étreinte.
Francis Bacon a également été très important pour moi. Je peignais sur de grands draps, représentant la déformation tourmentée de corps et de visages. Aussi loin que je puisse me souvenir, le monde de l’étrange, du grotesque et de l’enfermement a toujours fait partie de mon inspiration.
Quand j’étais jeune artiste, je pensais que si l’on persévérait en tant qu’artiste, la carrière se déroulerait en crescendo… et j’y croyais fermement. L’idée que la persévérance conduirait inévitablement au développement de ma carrière me donnait une volonté effrénée.
Comme artiste émergente, j’ai connu des périodes très fastes. À l’époque, mon travail était exposé et collectionné, et cela me semblait normal ! Cela m’a beaucoup encouragée. Il y avait beaucoup de galeries à Grenoble et une grande émulation artistique.
J’étais très obsédée par le travail en atelier, l’expérimentation de diverses techniques et la recherche de visibilité à travers les galeries et les expositions. Toute ma vie était dirigée dans ce sens. J’étais déterminée à ce que ma vie soit le moins entravée possible, d’où le choix de ne pas avoir d’enfants. Je vivais là où mes possibilités artistiques me menaient. C’est ainsi que je me suis installée dans divers pays pour de longues périodes, en Europe du Sud et du Nord, aux Antilles et en Afrique du Nord.
Ces déplacements étaient initialement liés à des invitations en résidence, comme en Allemagne (Centre Wannsee, Berlin) où j’ai enseigné des masterclasses de gravure, ou au Maroc pour la résidence artistique « Moussem d’Asilah », où j’ai travaillé la technique du monotype, etc.
Longtemps, je ne me suis pas posé la question d’être heureuse ou malheureuse, mais plutôt de vivre intensément. Et c’était un sentiment puissant qui m’a beaucoup portée.
Tu as passé une décennie aux États-Unis, considères-tu que cela influence ton art ? Quelles solutions artistiques, typiques de l’art américain, as-tu apportées avec toi de ta période californienne et new-yorkaise ?
Ces invitations à résidences m’ont amenée à rencontrer des artistes américains avec lesquels j’ai commencé à échanger nos ateliers. Ils venaient dans mon atelier en France pendant quelques mois, et j’étais invitée à travailler dans leur atelier aux USA. C’est dans le cadre d’une bourse (Bourse Conseil de Santa-Clara) que j’ai saisi l’opportunité de m’installer en Californie.
Oui, j’ai été influencée par le vocabulaire visuel du Pop Art. J’ai commencé à utiliser les couleurs vives qui caractérisent ce mouvement. Mon travail était une sorte de synthèse du style du Pop Art et de la subjectivité des expressionnistes avec leur esthétique figurative. J’ai également été influencée par la force des couleurs et la lumière aveuglante de mes séjours en Afrique du Nord.
J’étais en phase à cette époque avec les thématiques du Pop Art, qui s’inspiraient de la culture de masse et de la société de consommation. Pendant ma « période californienne », je me suis concentrée sur les gens et sur ce que m’inspiraient leurs activités, vues de mon point de vue d’Européenne. Mes instantanés dans les salles de billard ou près des piscines reflétaient leur façon de partager des moments autour des jeux, plutôt qu’autour de discussions. C’était très déconcertant pour moi ; j’y voyais un isolement mental, un masque sur la réalité. Ce mode relationnel, où tout semble toujours aller bien en apparence, m’interrogeait.
J’ai également dépeint les rituels des diverses cultures de Californie, dont je ne comprenais pas toujours la signification. C’était une peinture sur l’isolement des êtres, contrastant avec la palette de couleurs de la côte ouest et la lumière californienne. Cette ambiguïté entre thèmes critiques et couleurs rayonnantes contribuait à une interprétation volontairement équivoque de « peinture joyeuse ». J’aime brouiller les pistes.
Les œuvres de cette époque étaient exécutées de manière vive et rapide, avec des distorsions des personnages, des cadrages particuliers, et des couleurs brutes et chaudes. La lumière des blancs effaçait le relief et la profondeur de champ traditionnels, le blanc éclatant ayant la valeur d’une couleur. La galerie qui me représentait en Californie était très active auprès de ses collectionneurs et elle vendait tout !
Grâce à cette période de succès, j’ai pu m’établir à New York économiquement.
New York et sa faune ont constitué une mine inépuisable de sujets. Je me promenais avec un carnet de dessins, croquant des situations, des physiques, des perspectives, des éléments architecturaux. Je mettais en place ces esquisses sur la toile et, avec une gestuelle très spontanée, j’appliquais des aplats successifs de couleur en transparence avec des rouleaux. Puis je retravaillais ces surfaces par rajouts ou effacements ; le graphisme était plus « incisé » que « dessiné ».
J’ai peint ainsi le chaos et l’isolement des masses rassemblées de la ville, une mosaïque de panneaux, de signalétiques, d’injonctions, et de personnes. C’était un expressionnisme urbain montrant l’énergie chaotique de New York. Cette période « américaine » démontait la notion du mythe du « rêve américain » ; j’ai essayé de traduire l’envers du décor, l’illusion de l’égalité des chances de réussir et d’accéder à une vie meilleure. Malaise urbain, foule solitaire, difficulté d’être et de trouver sa place.
Pourquoi as-tu décidée de quitter l’Amérique ? Et comment as-tu réussi à te réintégrer en France après une si longue absence et une influence américaine marquée sur ton travail ?
Ce retour en Europe au début des années 90 est lié à une rencontre et à la possibilité d’une nouvelle représentation de mon travail en France avec une galerie plus importante. Cette nouvelle galerie m’a organisé énormément d’expositions personnelles en Europe, en Suisse, au Japon. Cette période a été très faste en termes de quantité d’expositions, de réception de mon travail et d’économie florissante. Cette galerie avait de gros collectionneurs, était influente et vendait très bien. Une période bénie.
Puis sont arrivés des bouleversements mondiaux, comme la guerre du Golfe, qui a affecté tout le monde de l’art moderne et contemporain. Il y a eu un effondrement du marché de l’art en 1991. Du jour au lendemain, de nombreux projets d’expositions ont été annulés parce que les budgets étaient retirés, ou parce que des responsables de musées, de galeries et de centres d’art ont été licenciés ou leurs postes dissous.
À la même époque, le SIDA a fait des ravages. Le directeur associé de la galerie à Paris pour laquelle je suis revenue en France en est mort. Cela a été un drame, et la galerie a été dissoute. Je n’avais plus de représentation…
Cette série de circonstances a eu un très fort impact sur le développement de ma carrière, qui a été fortement freiné. Cela a occasionné une « traversée du désert » qui m’a beaucoup affectée, d’autant plus qu’avec ces années positives, j’étais arrivée à considérer le succès comme naturel. Je suis tombée de très haut.
Pour couronner le tout, mon travail étant figuratif, il n’était pas dans l’esprit de ce qui se montrait dans l’art contemporain en France. À l’époque, le milieu était très dogmatique et privilégiait les installations et les performances. La peinture était dénigrée, considérée comme désuète.
Autre chose : j’ai été très perturbée à mon retour en France. Après la joie d’un retour dans ma culture originelle, j’ai éprouvé un choc culturel. La mentalité, les codes, le fonctionnement, tout m’agressait. J’ai ressenti une sorte d’étroitesse et je l’ai très mal vécu. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à travailler sur des thématiques liées à la question de l’identité, de l’appartenance culturelle, du déracinement. Tout ce qu’on comprend sans l’accepter, cet écartèlement.
Tu travailles avec des supports très variés, notamment la peinture, la gravure, le dessin, l’installation, et l’art vidéo. Comment parviens-tu à naviguer entre ces différents médias et quelles relations ou différences perçois-tu entre eux ?
Je fonctionne par séries sur le très long terme, et il est vrai que leur esthétique et leur processus peuvent être différents, ce qui peut perturber. Mais leur point commun est la possibilité de convoquer tradition et innovation, le savoir-faire et sa transgression. J’aime trouver de nouveaux champs de possibles créatifs au sein de procédés pleins de contraintes techniques. J’aime énormément expérimenter, et cela peut déstabiliser, j’en ai conscience. Je trouve intéressant de m’adapter aux contraintes du format, de la technique, du support ; trouver des solutions à toutes ces contraintes est sans fin et passionnant.
J’aime associer les outils traditionnels et les outils numériques, l’image numérique et le geste pictural. La vidéo également offre d’autres possibilités de traitement et de manipulation. Au fur et à mesure que le concept de « photographie plasticienne » trouvait sa reconnaissance dans le marché de l’art, je me suis permis peu à peu de montrer mon travail photographique, qui, bien que recourant au médium photographique, se distingue de son usage classique.
Dans certaines séries, j’ai imprimé partiellement la toile avec des photographies combinées, évidées, découpées. En attaquant la matérialité de la photographie, je modifie le jeu de valeurs entre l’aspect lisse et non altéré du support d’origine et la matière peinture ou encres. Les vides sont retravaillés avec des encres qui s’entremêlent et se cumulent. Ce travail est constitué de strates : structures photographiques, couches successives de rehauts d’encres, dessins, et applications de différents médiums. Il y a un va-et-vient permanent entre addition et soustraction.
Qu’est-ce qui nourrit ta créativité aujourd’hui ? Quel message souhaites-tu transmettre à travers ton art ?
Depuis peu, j’ai déménagé mon atelier de Barbizon, près d’une forêt, à Nice, près de la mer ! Ce changement d’atelier dans une autre ville n’est pas seulement géographique ; il représente aussi une nouvelle façon de vivre, de créer et de se régénérer. Au début, il y a une vraie coupure, c’est angoissant. On est obligé de se réinventer et, dans mon cas, de devenir un peu comme une éponge, en accumulant des éléments. Il faut se laisser submerger par eux pour que la création puisse émerger. Toujours dans ma pratique hybride entre dessin, peinture et photographie, je cherche à trouver une nouvelle façon de les combiner.
La série qui est en train de naître est intitulée, pour l’instant, « Quand le bruit du monde est tonitruant ». J’appartiens et je participe à cette nouvelle géographie qui m’entoure. J’essaye d’y trouver ma place et mon champ de vie.
Je me suis remise à travailler avec des dispositifs d’autofilmage et de mise en scène de soi. Je choisis des arrêts sur image et des attitudes que j’imbrique dans des imageries symboliques travaillées en aquarelles et encres : la mer (avec son imaginaire ambivalent : douce ou maléfique, purificatrice ou mortelle, lumineuse ou sombre), les rochers naturels ou les digues (un entre-deux, véritable interface entre la terre et la mer, l’homme et la nature), un bestiaire planctonique sous la surface de l’eau (comme les méduses, qui symbolisent le paradoxe : fascination et répulsion, beauté et danger mortel, mais aussi changement des paramètres environnementaux), la lumière, les éléments architecturaux, les signes, et les injonctions de la ville. Je travaille également sur une grande série de multiples cyanotypes (procédé photographique monochrome bleu cyan), de même format, comme un rituel de clichés d’une nature dévorée par la ville, à l’image d’une marcheuse recevant la réalité du monde.
Text Julija Palmeiro, art historian / art curator / art critic /curator
Christine Barbe is a French artist whose creative journey has been enriched by her experiences in two major artistic hubs: New York and Paris. Each time I meet her, she never fails to amaze me with her dynamism and vitality. With an ever-passionate gaze, she generously and curiously shares the knowledge she has accumulated. Passionate and diligent, she continually experiments in her artistic creations, exploring essential themes such as humanity, the condition of women, and nature. Christine Barbe excels in representing a dialectic of opposites, highlighting the inconsistencies, contradictions, paradoxes, and limits of the world. It is this richness of contrasts that defines her unique artistic language.
Her work, enriched by numerous travels and a broad experience with visual practices, enjoys international recognition through numerous exhibitions in Europe and the United States. From engraving to drawing, painting to photography, and even video, Christine Barbe explores a wide range of techniques, infusing her work with a rich diversity of mediums and experiences.
Her work has been extensively exhibited internationally, with notable presentations in prestigious institutions such as the Musée d’Art Moderne de Grenoble, the Musée du Couvent des Cordeliers, the Fondation Coprim in Paris, the Musée d’Art Moderne de Tokyo in Japan, the San José Institute of Contemporary Art in the United States, the Fondation Deutsch in Lausanne, Switzerland, the Palais de Raïssouni in Asilah, Morocco, and the Musée d’Art Contemporain de Ningbo in China. Her works are also included in numerous private collections in the United States, Japan, and Europe, as well as in various museums, art foundations, and art libraries. I am excited to interview the artist and share her inspiring story with you.
Can you briefly introduce yourself and tell us about your artistic journey in a few words?
I was born in France, in Grenoble, a city surrounded by mountains. I studied at the Grenoble School of Fine Arts, but quickly found it too narrow-minded. So, I moved to Paris, where I studied at the University of Visual Arts Saint-Charles and at the Institute of Art and Archaeology at Paris I Panthéon-Sorbonne University. At the same time, I trained as an engraver and also worked as an intaglio printer in Parisian workshops.
While pursuing these studies and training, I was already regularly exhibiting my work.
I can’t quite explain my obsession with art (the English word “drive” fits well)… It’s much more than just an interest in art. I’ve always drawn since I was very young; drawing and reading were my primary interests. As a child, my favorite game with a cousin was to draw based on a theme we would choose. For hours on end. This passion for drawing remains a mystery (an escape perhaps?), as there is no connection, either visual or experiential, with art in any branch of my family. None. During my childhood, my parents never took me to a museum, there were no paintings on the walls, and it was never a topic of conversation.
In this city of Grenoble, where every street’s vanishing point is blocked by a mountain, I felt a sense of confinement, of dull and repetitive life, and I constantly wanted to leave. I believe this feeling of confinement is an underlying theme in my work.
Can you tell us about the beginning of your creative journey? What were your first inspirations and artistic influences? Were there any particular people, such as mentors, artists, or close ones, who inspired you creatively and helped shape your style?
The beginning of my creative journey was when I secretly enrolled at the Grenoble School of Fine Arts, without my parents knowing. Once they found out, they resigned themselves… and then supported me greatly! However, I soon found the teaching at that school too narrow-minded, too traditional, too controlling.
So, I moved to Paris and started studying Visual Arts at the University of Saint-Charles in Paris, as well as Film at the Institute of Art and Archaeology at Paris I Panthéon-Sorbonne University. At the same time, I trained as an engraver and worked as an intaglio printer in various professional workshops in Paris to pay for my studies. I also studied engraving in workshops with diverse approaches, such as the Atelier Goetz for carborundum engraving and the American workshop of S.W. Hayter.
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I began a master’s degree in Visual Arts on the theme “Engraving: A Major Art Form in Canada,” but I did not complete it. While continuing my studies, I regularly exhibited my work. I started showing my work in Youth and Cultural Centers (MJC), displaying pencil and Bic pen drawings. I greatly admired Toulouse-Lautrec for his ability to work in many techniques, such as pencil, oil on canvas, oil on cardboard, lithography, and for his sense of composition.
I was inspired by Rodin; I had friends pose as couples, based on his sculpture “The Kiss,” and I developed series of engravings that resembled film stills or contact sheets, as if a camera were circling the kissing couple. I also worked on large dry pastels focusing on the theme of the kiss, entwined bodies, and the embrace.
Francis Bacon was also very important to me. I painted on large sheets, depicting the tormented distortion of bodies and faces. For as long as I can remember, the world of the strange, the grotesque, and the feeling of confinement has always been part of my inspiration.
What were your initial inspirations? Were there any artists or artistic movements that particularly influenced you in the beginning?
When I was a young artist, I believed that if one persevered as an artist, their career would progress in a steady crescendo… and I firmly believed in that. The idea that persistence would inevitably lead to the development of my career gave me an unstoppable drive.
As an emerging artist, I experienced very prosperous periods. At that time, my work was being exhibited and collected, and it seemed normal to me! This was a great source of encouragement. There were many galleries in Grenoble and a vibrant artistic community.
I was deeply obsessed with studio work, experimenting with various techniques, and seeking visibility through galleries and exhibitions. My entire life was oriented in that direction. I was determined to ensure that my life was as unencumbered as possible, which is why I chose not to have children. I lived wherever my artistic opportunities took me. This is how I ended up living in various countries for extended periods—in Southern and Northern Europe, the Caribbean, and North Africa.
These moves were initially linked to residency invitations, such as in Germany (Wannsee Center, Berlin), where I taught printmaking masterclasses, or in Morocco for the “Moussem of Asilah” artist residency, where I worked with the monotype technique, among others.
For a long time, I didn’t question whether I was happy or unhappy but focused instead on living intensely. And that powerful feeling carried me through.
You spent a decade in the United States. Do you consider that this influenced your art? What artistic solutions, typical of American art, did you bring back from your time in California and New York?
These residency invitations led me to meet American artists with whom I started exchanging studios. They would come to my studio in France for a few months, and I was invited to work in their studios in the USA. It was through a grant (Santa Clara Council Grant) that I seized the opportunity to settle in California.
Yes, I was influenced by the visual vocabulary of Pop Art. I began using the bright colors characteristic of this movement. My work became a kind of synthesis of the Pop Art style and the subjectivity of the expressionists with their figurative aesthetics. I was also influenced by the intensity of the colors and the blinding light from my stays in North Africa.
At that time, I was in tune with the themes of Pop Art, which drew inspiration from mass culture and consumer society. During my “California period,” I focused on people and what their activities inspired in me, viewed from my European perspective. My snapshots in pool halls or by swimming pools reflected their way of sharing moments around games rather than conversations. This was very disconcerting to me; I saw it as a mental isolation, a mask over reality. This relational mode, where everything always seemed fine on the surface, puzzled me.
I also depicted the rituals of the various cultures in California, which I didn’t always understand. It was a painting about the isolation of individuals, contrasting with the vibrant color palette of the West Coast and the Californian light. This ambiguity between critical themes and radiant colors contributed to a deliberately equivocal interpretation of “joyful painting.” I like to blur the lines.
The works from this period were executed quickly and energetically, with distorted figures, unique framings, and raw, warm colors. The brightness of the whites erased traditional relief and depth of field, with the bright white taking on the value of a color. The gallery representing me in California was very active with its collectors, and everything sold!
Thanks to this period of success, I was able to establish myself economically in New York. New York and its diversity provided an inexhaustible source of subjects. I would walk around with a sketchbook, capturing situations, physiques, perspectives, and architectural elements. I would then transfer these sketches onto the canvas, applying successive layers of color transparently with rollers in a very spontaneous gesture. I reworked these surfaces by adding or erasing; the graphics were more “carved” than “drawn.”
In this way, I painted the chaos and isolation of the city’s gathered masses—a mosaic of signs, signals, commands, and people. It was an urban expressionism showing the chaotic energy of New York. This “American period” deconstructed the notion of the “American Dream”; I tried to convey the flip side, the illusion of equal opportunity to succeed and achieve a better life. Urban malaise, lonely crowds, the difficulty of being and finding one’s place.
Why did you decide to leave America? And how did you manage to reintegrate into France after such a long absence and a marked American influence on your work?
My return to Europe in the early 1990s was prompted by a new opportunity to represent my work in France with a more prominent gallery. This new gallery organized numerous solo exhibitions for me across Europe, Switzerland, and Japan. That period was very fruitful in terms of the number of exhibitions, the reception of my work, and flourishing sales. The gallery had significant collectors, was influential, and sold very well. It was a blessed time.
Then came global upheavals, such as the Gulf War, which affected the entire modern and contemporary art world. The art market collapsed in 1991. Overnight, many exhibition projects were canceled because budgets were cut, or because museum, gallery, and art center directors were laid off or their positions dissolved.
Around the same time, the AIDS epidemic took a heavy toll. The associate director of the gallery in Paris, for which I had returned to France, died from it. It was a tragedy, and the gallery was dissolved. I was left without representation…
This series of circumstances had a profound impact on my career development, which was severely hindered. It led to a “desert crossing” that deeply affected me, especially since, after those positive years, I had come to see success as natural. I fell from a great height.
To top it all off, my figurative work didn’t align with the contemporary art scene in France at the time. The art world was very dogmatic, favoring installations and performances. Painting was looked down upon, considered outdated.
Another thing: I was very unsettled upon my return to France. After the joy of returning to my original culture, I experienced a cultural shock. The mentality, the codes, the way things worked—everything felt abrasive to me. I felt a sense of narrowness, and I struggled with it. It was during this time that I began working on themes related to identity, cultural belonging, and uprooting. All those things you understand without accepting—the sense of being torn apart.
You work with a wide range of media, including painting, printmaking, drawing, installation, and video art. How do you navigate between these different media, and what relationships or differences do you perceive between them?
I work in long-term series, and it’s true that their aesthetics and processes can vary, which might be unsettling. However, the common thread is the ability to blend tradition with innovation, craftsmanship with its transgression. I enjoy finding new creative possibilities within processes that come with technical constraints. I love experimenting, and I’m aware that this can be disorienting. I find it fascinating to adapt to the constraints of format, technique, and medium; finding solutions to these constraints is endless and exciting.
I like to combine traditional tools with digital ones, merging digital imagery with the painterly gesture. Video also offers different possibilities for treatment and manipulation. As the concept of “plastic photography” gained recognition in the art market, I gradually felt more comfortable showing my photographic work, which, although using the photographic medium, differs from its classic usage.
In certain series, I partially printed the canvas with combined, hollowed-out, cut-out photographs. By altering the materiality of the photograph, I change the balance between the smooth, unaltered aspect of the original support and the texture of paint or inks. The empty spaces are reworked with inks that intertwine and accumulate. This work consists of layers: photographic structures, successive layers of ink enhancements, drawings, and applications of different mediums. There is a constant interplay between addition and subtraction.
What fuels your creativity today? What message do you wish to convey through your art?
Recently, I moved my studio from Barbizon, near a forest, to Nice, near the sea! This change of studio in a new city is not only geographical; it also represents a new way of living, creating, and rejuvenating. At first, there is a real break, which is quite unsettling. One is forced to reinvent oneself and, in my case, to become somewhat of a sponge, soaking up elements. You have to let yourself be overwhelmed by them for creation to emerge. Still working in my hybrid practice of drawing, painting, and photography, I seek to find new ways to combine them.
The series currently emerging is tentatively titled “When the Noise of the World Is Deafening.” I belong to and participate in this new geography that surrounds me. I am trying to find my place and my field of life within it.
I have resumed working with self-filming devices and self-staging. I select still images and attitudes, which I weave into symbolic imagery worked with watercolors and inks: the sea (with its ambivalent imagination: gentle or malevolent, purifying or deadly, luminous or dark), natural rocks or dikes (a liminal space, a true interface between land and sea, man and nature), a planktonic bestiary beneath the water’s surface (such as jellyfish, symbolizing the paradox of fascination and repulsion, beauty and deadly danger, but also changes in environmental parameters), light, architectural elements, signs, and city injunctions.
I am also working on a large series of cyanotypes (a monochrome photographic process in cyan blue), of the same format, as a ritual of capturing a nature devoured by the city—like a walker receiving the reality of the world.